Transversal
Une chaîne d'acteurs engagés pour la revalorisation des déchets
Face aux obligations légales et à la prise de conscience collective de l’importance d’une revalorisation de nos déchets d’équipements électriques et électroniques, un large écosystème de partenaires – des distributeurs aux acteurs du recyclage – s’est mis en place en France afin d’organiser de manière volontariste et ambitieuse des canaux logistiques et industriels efficaces et circulaires. Partenaires dans cette démarche, Fnac-Darty, Ecosystem et le réseau Envie nous détaillent les rouages de cette chaîne vertueuse.
1. Fnac-Darty s'engage pour la conservation de la valeur
Distributeur majeur sur le marché du matériel électroménager et électronique en France, le groupe Fnac-Darty multiplie les initiatives en faveur de l’économie circulaire, souhaitant privilégier la réparation, le remise en vente et la revalorisation des produits. Régis Koenig, directeur de la politique services et de l'expérience client, nous détaille les démarches mises en oeuvre par le groupe.
Il est important selon vous qu’un acteur comme Fnac-Darty soit en tête de proue des questions d’économie circulaire ?
C’est essentiel. Il y a une très forte attente des consommateurs et de nos clients sur ces questions. Et pour un distributeur comme Fnac-Darty, l’essentiel de notre impact environnemental est lié aux produits que nous vendons, bien plus qu’à nos activités logistiques sur le terrain. Le fait de s’améliorer et d’aller vers une économie plus circulaire est donc un levier d’action crucial. C’est une expertise historique au sein du groupe, en particulier du côté Darty : son SAV existe depuis 40 ans et nous n’avons pas attendu les directives sur les déchets électriques pour collecter les anciens appareils de nos clients. De tels services nous ont permis de développer des capacités logistiques et opérationnelles puissantes sur le sujet. Sur la partie SAV, nous avons plus de 2 000 collaborateurs sur un effectif total de 24 000, ce qui est unique dans le domaine de la distribution. À l’origine, ces offres avaient été développées dans une approche de service au client. Ce qui est nouveau, c’est l’intégration d’une dimension écologique et sociétale. Le rapprochement de Fnac et Darty a été moteur de réflexions sur le sujet. Quand on devient le plus grand acteur de son marché, il est impératif de penser à ce que l’on peut faire de ce leadership. Il fallait donner l’exemple. Dans l’ADN des deux enseignes, il y a cette notion de choix éclairé : la volonté de faire durer les appareils sur le long terme chez Darty, et l’aspect de conseil à la Fnac. Depuis la fusion des deux enseignes en 2016, nous essayons donc de réfléchir à nos activités sous l’angle de l’économie circulaire.
Quels sont les nouveaux sujets d’intérêt ayant émergés dans ce domaine ?
La notion d’éco-conception par exemple, qui intègre le recyclage lors de la création des produits afin que leurs pièces puissent être réutilisées au maximum. Demain, il faut que la matière première vienne des produits que nous avons déjà fabriqués, et non pas des ressources primaires de la planète. Mais il faut également créer de nouvelles boucles qui minimisent la part de déchets produits – afin d’optimiser la conservation de la valeur des produits manufacturés. Récemment, nous avons lancé la notion d’indice de réparabilité, qui indique au consommateur si son produit peut être facilement réparé. En 2017, nous avons souhaité pouvoir utiliser le travail du labo Fnac, orienté conseil aux clients, à destination du SAV de Darty. Nous avons donc imaginé une notation qui jugerait la réparabilité potentielle des produits. Nous avons travaillé avec des associations puis avons mis le ministère de la Transition écologique et solidaire et l’Ademe dans la boucle. Et ce principe est aujourd’hui la clé de voûte de l’article 4 du récent projet de loi dédié à l’économie circulaire. C’est de cette manière que nous voulons dépasser notre rôle de distributeur. Si l’on peut mieux réparer les produits, ils dureront plus longtemps, et cela aura un impact positif pour les clients et pour la planète, car l’essentiel du CO2 émis par un produit vient de sa fabrication.
Comment se déploient ces boucles de réparation aujourd’hui ?
Nous avons deux grands types de process. Le premier concerne les gros appareils, où nous intervenons directement à domicile. Il commence avec notre centre d’appel qui réalise le premier diagnostic par téléphone, capable de résoudre de 30 à 40 % des problèmes. Si cela ne suffit pas, nous déclenchons une intervention à domicile avec un technicien qui s’appuie sur une logistique dédiée à la pièce détachée, depuis un entrepôt centralisé et industrialisé qui envoie les pièces nécessaires vers nos bases techniques. Les produits irréparables ne concernent que 2 à 3 % des pannes. Si c’est le cas, nous pouvons déclencher un enlèvement vers un site de réparation. Nous avons ensuite une organisation dédiée aux petits produits que le consommateur amène directement en magasin. Après expertise sur place et vérification du besoin, le produit peut ensuite être envoyé vers l’un de nos quatre centres de réparation en France, avec des délais d’une à deux semaines. Nous avons également récemment fait l’acquisition de la start-up WeFix, spécialisée dans la réparation en 20 minutes des smartphones, disposant d’une centaine d’espaces en France, dans les magasins Fnac mais aussi dans les centres commerciaux. C’est une façon de répondre à une problématique client sur le sujet : le temps d’attente. Les gens préfèrent conserver un téléphone cassé plutôt que de le laisser en réparation plusieurs jours. Ce service immédiat répond à ce besoin.
La vente de produits d’occasion est également un sujet pour vous ?
Tout à fait. Nous avons deux flux dédiés, Fnac et Darty occasion, disponibles sur Internet, dont l’alimentation principale vient des retours e-commerce. Ce sont des produits ayant déjà fait l’objet d’une utilisation que nous remettons en vente. Une autre source vient des échanges réalisés en magasin pour le petit électroménager. Celui-ci passe par nos centres de réparation pour remise à neuf, réinitialisation puis remise en vente. Nous avons également un process avec WeFix pour la vente de téléphones reconditionnés, remis en état depuis un centre situé en région parisienne. Des circuits professionnels de l’occasion se développent, à l’image du marché de l’automobile, afin de pouvoir proposer une expertise à la hauteur de produits parfois coûteux comme les smartphones. Cela apporte de la confiance dans l’achat d’occasion.
Avec près de 45 000 tonnes collectées chaque année, vous êtes le premier collecteur de France de DEEE (Déchets d’équipements électriques et électroniques). Comme s’organise ce recyclage ?
Nous avons là aussi deux flux. Tout d’abord, les produits que nous récupérons au domicile de nos clients, et dont nous nous chargeons du recyclage. Nous le faisions bien avant la loi de 2012 qui l’impose, mais nous allons plus loin en proposant de reprendre plus qu’un seul produit à nos clients à la livraison. Compte tenu du poids de l’électroménager, cela représente des tonnages importants. Dans notre réseau de magasins, qui deviennent des points de collecte, nous reprenons tous les appareils, y compris si vous n’en achetez pas de nouveau. Nous avons ensuite des partenariats avec Ecosystem, pour le traitement et le recyclage de ces produits, mais également avec le réseau Envie, dont nous sommes le premier fournisseur en termes de matière première. Sur nos plateformes de livraison, au moment où les appareils nous reviennent, nous faisons une première vérification pour s’assurer qu’il n’y a pas eu de pertes en chemin et pour isoler des produits qui pourraient être revendus sur des marchés d’occasion, soit environ 10 % d’entre eux. Les autres sont placés dans les bennes de tri et notre partenaire Ecosystem vient les récupérer pour les envoyer dans des centres de recyclage. Parallèlement, le réseau Envie prend sur nos sites certains produits qui font ensuite l’objet de rénovation et de réparation pour remise en vente dans les magasins de leur réseau. Pour qu’un produit évite de devenir un déchet, il faut être capable d’identifier très tôt sa valeur résiduelle. Cette identification ne peut pas être faite dans les centres de recyclage, quand la qualité des produits a pu connaître des dégradations. Aujourd’hui, nous faisons cette analyse de la valeur sur nos plateformes, mais nous travaillons à la qualifier encore plus tôt, au moment de la reprise du produit chez le client.
Sur quels axes d’amélioration travaillez-vous actuellement chez Fnac-Darty ?
Tout d’abord du côté de l’information pour le consommateur, en l’aidant à choisir des produits plus durables. Nous lançons en février la troisième sélection du Choix Durable chez Darty, qui réunit 80 produits les plus fiables de leurs gammes respectives. Cela se répercute ensuite sur les fournisseurs, qui cherchent à s’améliorer. Le deuxième axe concerne la réparation et les freins à son développement : le prix, souvent élevé par rapport à une industrie aux coûts réduits, mais aussi l’accessibilité des services. Nous développons donc de nouvelles offres : nous simplifions notre grille de prestations de réparation et nous avons lancé Darty Max, service d’abonnement à la réparation, qui a pour vocation à simplifier ces processus. Nous échangeons aussi avec les pouvoirs publics au niveau de la taxation, pour que les activités qui utilisent les ressources de la planète soient plus taxées que celles qui les préservent. Si l’on veut développer les métiers de la réparation, il est important de créer un environnement économique favorable. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, où les métiers de l’économie circulaire sont souvent défavorisés par rapport à ceux de la production.